Sélection

Que disent de nous les séries télé ?

Les séries audiovisuelles commencent à être étudiées pour ce qu’elles disent du monde. Balises vous propose quelques références pour les regarder d’un autre œil, en écho au « Samedi séries » que la Bpi organise en partenariat avec Télérama en novembre 2019.

Les séries ont déjà une longue histoire. Les feuilletons romanesques apparaissent dans les journaux populaires en 1836, pour fidéliser le public. Le cinéma, né en 1895, s’empare du format sériel au milieu des années 1910. Les quatorze épisodes des Mystères de New York, premier « serial » de l’histoire, sortent en 1914 dans les salles américaines et un an plus tard en France. Côté français, Louis Feuillade, après avoir adapté au cinéma plusieurs épisodes de la saga romanesque à succès Fantômas en 1913, réalise entre autres entre 1915 et 1916 Les Vampires, serial en dix épisodes qui révèle à l’écran la « vamp » Musidora. Dans les années qui suivent, les « dramatiques radiophoniques » connaissent elles aussi un grand succès.

Capture d'écran de la série The Office, trois personnes dans un ascenseur
The Office, Greg Daniels, 2005-2013

Des téléfilms à la première « sitcom »

Les histoires à épisodes constituent donc un genre déjà connu lorsque la télévision s’empare du format. La télévision américaine propose d’abord, au milieu des années quarante, des « anthologies », films indépendants diffusés de manière hebdomadaire sous un même générique, sponsorisé par une grande marque. Le genre connaît un grand succès, à l’image d’Alfred Hitchcock présente, diffusé entre 1955 et 1960.
À partir de 1951, I Love Lucy est la première « sitcom » (ou comédie de situation) diffusée à la télévision. De nombreuses autres séries suivent rapidement, aux États-Unis mais aussi dans tous les pays du monde dans lesquels les postes de télévision envahissent les foyers : en France, Thierry la Fronde est diffusé à partir de 1963, Vidocq à partir de 1967…

Des formats faits pour la télé

Les séries télévisées déclinent d’abord les codes du cinéma de genre : policier, fantastique, western, comédie, etc. Puis, des genres propres à la télévision apparaissent progressivement. Le soap-opéra par exemple, comme Dallas (1978-1991) ou Les Feux de l’amour (1973 à nos jours), est fait d’histoires amoureuses et familiales destinées d’abord aux femmes au foyer. Les « séries-feuilletons » qui se multiplient dans les années quatre-vingt-dix, comme Urgences (1994-2009) ou Ally McBeal (1997-2002), combinent une histoire résolue en un épisode à une histoire au long cours. Les « shortcoms », formats humoristiques courts, apparaissent, pour la France, à la fin des années quatre-vingt-dix avec Un gars, une fille (1999-2003).

Le renouveau des années deux mille

Au début des années deux mille, les séries connaissent un renouveau esthétique et narratif. Les personnages, les histoires, les manières de filmer se complexifient et se singularisent dans des séries comme Six Feet Under (2001-2005) ou encore Sur écoute (The Wire, 2002-2008).
À partir de cette époque, le statut des séries audiovisuelles évolue. Regardées pendant longtemps comme un objet de divertissement de masse, elles commencent à être aussi considérées, par les chercheurs en sciences de l’information et de la communication, en études anglophones ou en sociologie, comme un objet d’étude à même de traduire un certain état du monde contemporain. La multiplication des formats, de l’offre et des plateformes de visionnages qui a lieu ces dernières années ne fait que renforcer cette idée que les séries offrent sur les sociétés contemporaines une multitude de regards qu’il importe de considérer d’un point de vue philosophique, historique, politique ou encore sociologique.

Publié le 18/11/2019 - CC BY-NC-SA 4.0

Sélection de références

Philosophie en séries

Thibaut de Saint-Maurice
Ellipses, 2009

Chaque chapitre de l’ouvrage part de l’analyse d’une série pour poser un problème philosophique, dont l’analyse est illustrée d’extraits tirés de textes de référence. Ainsi, 24 h Chrono permet de se demander si « la fin justifie les moyens », Prison Break pose la question de ce qu’est la liberté, Desperate Housewives explore ce qu’est le bonheur, Nip/Tuck questionne la dualité entre matière et esprit et Dr House celle entre raison et réel.

L’enjeu n’est pas tant de démontrer que les séries mettent en scène les grandes questions de l’existence, mais plutôt de rendre, par leur biais, les questions et les textes philosophiques plus accessibles à un lectorat de lycéens ou de jeunes étudiants.

À la Bpi, niveau 3, 793.2 SAI

The Historians : les séries TV décryptées par les historiens, saisons 1 & 2

Thalia Brero et Sébastien Farré (dir.)
Georg, 2017

Les séries contemporaines offrent une vision du passé sans cesse renouvelée, entre reconstitutions minutieuses et anachronismes assumés. Qu’est-ce que la créativité télévisuelle nous apprend des rapports que notre société entretient avec les siècles précédents ?

Au fil de deux tomes, des historiens analysent dix séries qui se déroulent dans le passé. Le premier volume explore ainsi Kaamelott et son Moyen-âge décalé, Vikings qui va de l’histoire au mythe, The Tudors et les limites entre histoire et fiction, The Knick et la quête de véracité médicale, et Masters of Sex, entre transgression et bienséance.
Le second volume se penche sur Rome et son récit de l’émancipation féminine, Le Siècle magnifique et les conflits de la mémoire en histoire, Penny Dreadful comme reflet d’une littérature anglaise axée sur la peur, Zorro et l’imaginaire social d’un monde meilleur, et The Walking Dead comme métaphore d’une chute de la civilisation.

L’ouvrage a été décliné sous forme de courts épisodes diffusés à la télévision suisse sur la RTS.

À la Bpi, niveau 3, 793.2 THE

La Géopolitique des séries ou Le Triomphe de la peur

Dominique Moïsi
Flammarion, 2017

Qu’est-ce que les scénaristes de séries perçoivent des enjeux géopolitiques qui traversent les sociétés contemporaines, et comment les retranscrivent-ils ?

La Géopolitique des séries prend six exemples de séries, analysées au prisme du sentiment du monde qu’elles donnent : Game of Thrones ou la fascination pour le chaos, Homeland et la relation au terrorisme, House of Cards ou la fin du rêve américain…

À la Bpi, niveau 3, 793.2 MOI

Sex and the Series

Iris Brey
Éditions de l'Olivier, 2018

Les sexualités féminines sont sorties du domaine du non-dit à la télévision depuis Sex and the City, dans les années deux mille. Sex and the Series explore de manière critique les représentations contemporaines qui en sont faites dans les séries américaines.

Une première partie examine la fonction du langage pour raconter la sexualité féminine. Comment des mots encore tabous dans certaines séries (clitoris, vagin…) font progressivement leur apparition dans d’autres : Crazy Ex-Grilfriend, Orange is the New Black, Masters of Sex  ? Comment le consentement féminin est-il verbalisé, par exemple dans Girls, comment les séries américaines construisent-elles des stéréotypes autour de la sexualité adolescente par le biais des mots, ou pourquoi parler de masturbation féminine reste-t-il un défi à la télévision ?

La deuxième partie analyse comment la sexualité féminine est mise en images, de Friends à The Americans en passant par Buffy contre les vampires ou Les Sopranos, à travers quatre motifs : les préliminaires, la masturbation, le cunninlingus et l’orgasme.
Dans une troisième partie, l’autrice montre comment des séries telles que Big Little Lies, The Handmade’s Tale ou 13 Reasons Why racontent les violences sexuelles qui peuvent être faites aux femmes. Enfin, la quatrième partie analyse l’apparition des sexualités queer à l’écran et plus largement l’éclatement de la sexualité hétéro-centrée dans Buffy, The L World ou Grey’s Anatomy.

À la Bpi, niveau 3, 793.2(73) BRE

L'Adolescence Made in USA : sexe, genre et conservatisme dans les séries pour ados

Émilie Lemoine
Hermann, 2016

Émilie Lemoine se penche sur les séries américaines pour adolescents diffusées entre 1990 et 2010 pour mettre à jour stéréotypes, conservatisme et éventuels contre-modèles dans les représentations de l’adolescence. Berverly Hills 90210, Angela, 15 ans, Buffy contre les vampires, Dawson, Les Frères Scott, Gossip Girl ou encore Glee lui apparaissent comme un miroir déformant de nos sociétés, mais s’apparentent aussi pour l’autrice à des contes modernes, offrant des cadres à questionner.

La première partie, intitulée « Moi footballeur toi cheerleader », explore les stéréotypes de genre qui foisonnent dans les séries pour adolescents, de l’opposition entre virilité masculine et fragilité féminine, aux signes extérieurs d’appartenance à un genre clairement défini. La deuxième partie analyse les représentations de la sexualité adolescente, majoritairement hétérosexuelle et ritualisée à l’outrance. La troisième partie, enfin, décrit la manière dont les corps adolescents sont montrés à l’écran, entre souffrances et triomphes.

À la Bpi, niveau 3, 793.2 (73) LEM

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