Si elle peut-être intimidante au premier abord, cette œuvre exigeante et hétéroclite, ludique et profonde, ne cesse de surprendre. A l’occasion de l’entrée de Georges Perec dans la bibliothèque de la Pléiade avec deux volumes de ses œuvres anthumes, nous vous proposons une sélection de livres, d’entretiens et d’articles qui vous donneront quelques clés pour recomposer le puzzle Perec.
Sélection de références
“J’ai beaucoup d’imagination, mais je manque fortement de génie. On en reparlera”, écrivait Georges Perec dans une lettre à son ami Pierre Getzler.
Toute sa vie, ce génial écrivain fit preuve d’une modestie hors-normes. Celle-ci n’était cependant pas incompatible avec une ambition démesurée : celle de « couvrir le maximum de champs de l’écriture ». Dans cette émission de 1980, il évoque ce désir qui l’avait poussé à établir un programme extensif, malheureusement interrompu par sa mort prématurée en 1982. L’entretien aborde ses méthodes et son rythme de travail – jusqu’à dix heures par jour – qui traduisent sa conception aussi bien physique qu’intellectuelle du travail d’écrivain.
Impossible de parler de Georges Perec sans évoquer son goût pour les jeux.
Les échecs, le go ou les puzzles prennent une place considérable dans son œuvre : La Vie, mode d’emploi est par exemple fondé sur un casse-tête consistant à parcourir l’ensemble des cases d’un échiquier à l’aide d’un cavalier. Mais les romans de Perec sont surtout parcourus par les jeux sur le langage. Des mots croisés aux messages codés, ils servent de laboratoire ou d’entraînement précédant l’écriture. Perec évoque ces délassements dans cet entretien accordé à Jeux et stratégie.
De Tentative d’épuisement d’un lieu parisien à la Clôture, Perec a souvent interrogé la notion d’espace et la façon dont on peut l’habiter ou le décrire.
Ces textes – et bien d’autres – doivent beaucoup à un projet inachevé, les Lieux. Récit au long cours, celui-ci devait intégrer la description de 12 lieux parisiens, observés pendant 12 ans, pour un total de 288 textes.
133 fragments seulement ont été rédigés, mais les Lieux hantent une grande partie de la production de Perec. Ce projet fou, dont on ne peut que regretter qu’il n’ait pas été achevé, constitue ainsi une porte d’entrée inattendue vers l’œuvre. Le blog Textualités revient sur sa genèse.
« J’écris parce qu’ils ont laissé en moi leur marque indélébile et que la trace en est l’écriture. » Derrière les jeux textuels, la virtuosité et les contraintes, Perec ne cesse de tourner autour d’un drame originel : la disparition de ses parents, juifs, au cours de la Seconde Guerre mondiale.
Entre difficultés à se souvenir (« Je n’ai pas de souvenirs d’enfance », écrit-il dans W) et retour incessant de la notion de disparition, son œuvre est une tentative continue, éclairée par la psychanalyse, d’approcher la figure des disparus. Marcel Bénabou, membre de l’OuLiPo qui connut bien Perec, revient en profondeur sur cette « esthétique du manque » qui parcourt l’œuvre de Perec.
Les Revenentes
Georges Perec
Julliard, 1991
Très célèbre est le texte de Perec délesté de ses e. Les Revenentes, c’est l’envers de ce texte : le reste des lettres est enlevé. Ejectées, les lettres récemment fêtées. Le e, rejeté précédemment, règne semperprésent en les Revenentes.
“Mes respects ! Bel effet, excellent, Perec s’est pété le cervelet”, l’encensent les zélés. “Méééé… de kwè çè pèrle ?” bêlent les perplexes.
En bref : l’evêché d’Exeter est en effervescence. Bérengère de Bremen-Brévent vend ses perles et ses gemmes. Des dégénérés (des clephtes ?) rêvent de les enlever en secret. Kékés et pépées de l’évêché recherchent le pèze. Clergé et pègre, pêle-mêle, mettent le nez. Est-ce net ? Evènements et emmerdements, revers et dérèglements… Extrême rendement des pensées perverses de Perec ! C’est dément, et sévèrement échevelé. Z’êtes tentés ?
À la Bpi, niveau 3, 840″19″ PERE.G 4 RE
Je me souviens de l'imperméable rouge que je portais l'été de mes vingt ans
Lydia Flem
Seuil, 2016
Quelle meilleure preuve de la vitalité de l’œuvre de Perec que de la voir continuée aujourd’hui par d’autres ? Dans Je me souviens de l’imperméable rouge que je portais l’été de mes vingt ans, Lydia Flem reprend le principe des « Je me souviens » de Perec, ces brefs échos du passé appartenant autant à l’intime qu’à la mémoire collective.
Elle y ajoute une autre dimension, en portant une attention toute particulière au vestiaire féminin au long des décennies. Sujet futile ? Loin de là, car le vêtement se fait témoin des contraintes qui pèsent sur le corps féminin, et de sa libération. En 479 fragments – un de moins que Perec -, Lydia Flem dessine ainsi une histoire de la mode et des avancées sociales, des premières créations de Sonia Rykiel aux soutien-gorges brûlés de 68, en passant par la mini-jupe, tout en rendant un bel hommage à son modèle.
À la Bpi, niveau 3, 840″19″ FLEM 4 JE
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