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Appartient au dossier : Les femmes et le sport

Les escrimeuses font mouche contre les stéréotypes

Héritière du duel, l’escrime a longtemps été associée à un univers masculin, guerrier et viril. Pourtant, de nombreuses femmes ont marqué l’histoire de cette discipline et excellent aujourd’hui dans le maniement du fleuret, de l’épée et du sabre. À l’occasion du cycle « Les femmes aux JO », Balises retrace le parcours de ces fines lames féminines, qui ont défié les stéréotypes de genre et fait évoluer les mentalités.

Escrimeuses placées côte à côte avec leur fleuret
Ellen Osiier (2e en partant de la gauche) parmi les finalistes de l’épreuve de fleuret, aux JO de Paris en 1924. Crédits : Wikipedia Commons

Dès leur création en 1896 à Athènes, les Jeux olympiques (JO) modernes comptent l’escrime parmi les épreuves sportives disputées uniquement par… des hommes ! Composée de trois disciplines, l’épée, le fleuret et le sabre, l’escrime n’est pas encore accessible aux femmes à l’aube du 20e siècle. Les épreuves de fleuret ne s’ouvrent aux escrimeuses qu’en 1924, aux JO de Paris. Les femmes doivent ensuite attendre 1996 pour s’affronter à l’épée aux JO d’Atlanta, puis 2004 pour manier le sabre aux JO d’Athènes.

Ce lent accès des sportives aux armes blanches n’est pas étranger aux stéréotypes de genre et à la répartition des rôles dans la société. Ivan Jablonka explique ainsi que, dès leur plus jeune âge, les êtres humains sont conditionnés à un usage des objets soumis à la loi des genres. « L’apprentissage des rôles se fait […] à l’aide de jouets – sabres, tambours et billes pour les uns, poupées, paniers et chiffons pour les autres – qui permettent de mimer les occupations des adultes », affirme l’historien dans son article « L’enfance ou le voyage vers la virilité », paru en 2011 dans Histoire de la virilité. Le triomphe de la virilité, le 19e siècle. Dans le sport, comme dans les jeux d’enfants, on retrouve ces distinctions genrées qui réservent l’épée et le sabre aux hommes, gages de virilité, et excluent les femmes des duels pour mieux les cantonner à « faire du sport sous condition de modération […], de discrétion et d’esthétique », analyse l’historienne Cécile Ottogalli-Mazzacavallo dans le film Toutes musclées (Arte France, Haut et court doc – 2022).

Le duel, un monopole masculin

Avant de devenir une épreuve sportive programmée aux JO, le combat à l’épée a lieu sur des terrains vagues, lors de duels. Cette pratique reste un domaine réservé aux gentlemen, même si de rares femmes croisent le fer en provoquant l’étonnement, voire des remarques désobligeantes de la part des journalistes. Par exemple, dans Le Petit Journal illustré du 12 octobre 1924, on peut lire « Le beau sexe, depuis quelque temps, semble s’évertuer à prendre toutes les manies du sexe laid. […] Voilà des dames qui s’avisent de se battre en duel… […] il ne faudrait pas aller plus loin dans cette voie ». La lecture des articles du début du 20e siècle permet de constater que les femmes duellistes ne sont pas prises au sérieux par l’opinion publique.

Dans les esprits, croiser le fer est une activité masculine, lors de laquelle l’honneur et la virilité s’expriment. Dans Duels. Histoire, techniques et bizarreries du combat singulier, des origines à nos jours (2005), Martin Monestier rappelle que la codification du duel à travers le point d’honneur instaure le « triomphe de la personnalité, le moyen de prouver sa bravoure et sa vaillance, son appartenance à une caste ; tout cela, bien sûr, mis au service de querelles particulières ».

Alors que les duels disparaissent peu à peu à partir de la Première Guerre mondiale, jugée suffisamment meurtrière avec un bilan de plus de 1,3 millions de morts, les Jeux olympiques constituent un nouveau terrain d’affrontement, pacifique, pour ces messieurs qui souhaitent croiser le fer. Pierre de Coubertin, à l’origine des Jeux olympiques modernes, vante dans la préface de Ma Méthode de J.B. Charles (1890), les qualités de l’escrime, capable, selon lui, de satisfaire chez l’homme « ses désirs les plus virils ». Parmi les fines lames présentes aux JO, on compte pourtant des femmes, et pas n’importe lesquelles !

Les femmes sur le podium

De grands noms féminins jalonnent l’histoire de l’escrime aux JO, toutes catégories confondues. Au fleuret, la première à obtenir une médaille d’or est la Danoise Ellen Osiier, en 1924 aux JO de Paris. L’Allemande Anja Fichtel-Mauritz fait également parler d’elle en remportant deux médailles d’or à Séoul, en 1988. L’Italienne Valentina Vezzali, quant à elle, totalise le plus grand nombre de médailles d’or olympiques, obtenues aux JO d’Atlanta 1996, de Sydney 2000, d’Athènes 2004, de Pékin 2008, et de Londres 2012.

Deux ans après l’ouverture des épreuves d’épée aux femmes, la Française Laura Flessel, surnommée La Guêpe, remporte cinq médailles olympiques entre 1996 et 2004, dont deux en or en 1996 à Atlanta. La sportive délaisse ensuite la compétition pour la politique et devient ministre des Sports en mai 2017. L’Américaine Mariel Zagunis multiplie également les victoires et décroche deux médailles d’or à Athènes en 2004 et à Pékin en 2008.

Enfin, le sabre est l’arme de prédilection de Manon Apithy-Brunet. Elle est la première sabreuse française à être médaillée aux Jeux olympiques. Elle obtient l’argent au sabre par équipe et le bronze au sabre individuel aux JO d’été de 2021, à Tokyo.

Pour les JO de Paris 2024, quatre sabreuses défendront les couleurs de la France : Manon Apithy-Brunet, Cécilia Berder, Sara Balzer ainsi que Sarah-Camille Noutcha (remplaçante). Elles seront aux côtés de quatre fleurettistes Enzo Lefort, Maxime Pauty, Julien Mertine et Maximilien Chastanet (remplaçant). Quatre femmes, quatre hommes, la mixité sera ainsi au rendez-vous olympique !

Publié le 27/05/2024 - CC BY-SA 4.0

Pour aller plus loin

L'histoire de l'escrime : 1913-2013, un siècle de Fédération internationale d'escrime

Cécile Ottogalli
Atlantica, 2013

Rétrospective des grandes étapes de l’évolution de ce sport en discipline internationale : son extension géographique, la modification des règlements, des techniques et des équipements, l’impact des enjeux culturels et politiques.

À la Bpi, niveau 3, 796.4(091) OTT

Un pour tous, tous pour un : l'histoire des championnats du monde d'escrime

Cécile Ottogalli-Mazzacavallo
Le Cherche Midi, 2010

Une présentation des moments forts qui ont jalonné le parcours des figures emblématiques et des champion·nes d’escrime, depuis l’origine des championnats du monde à nos jours.

À la Bpi, niveau 3, 796.4 OTT

Le triomphe de la virilité : le XIX<sup>e</sup> siècle

Alain Corbin et Georges Vigarello (dir.)
Éd. du Seuil, 2011

La virilité est envisagée dans tous ses aspects par des spécialistes de l’histoire des mentalités et des représentations dans un parcours à travers les âges. Organisée autour de figures symboliques (le militaire, le politique, le jeune garçon, l’homosexuel, etc.), convoquant tous les imaginaires (littérature, cinéma, etc.), cette encyclopédie de l’homme viril lève un certain nombre de tabous.

À la Bpi, niveau 2, 300.0(091) HIS

Pour en finir avec la fabrique des garçons. Volume 2 , Loisirs, sports, culture

Sylvie Ayral et Yves Raibaud (dir.)
Maison des sciences de l'homme d'Aquitaine, 2014

Dans la continuité du premier volume, ces contributions montrent combien la construction de la loi du plus fort à l’école est plus genrée que sexuée et que le patriarcat fait des victimes qui sont souvent des garçons à l’école. Ce volume porte sur les temps et activités de loisirs extrascolaires, sur les enfants et les jeunes qui en bénéficient et sur leurs encadrants. © Électre 2014

À la Bpi, niveau 2, 305.37 POU

Vos réactions
  • Agnès Redon : 30/05/2024 15:29

    Joli jeu de mots

    • Fabienne Charraire, Webéditrice, Balises : 30/05/2024 15:31

      Merci pour ce compliment

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