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Appartient au dossier : Contre-chant : luttes collectives, films féministes

Rendre visibles les lesbiennes

L’artiste et activiste féministe Marie Docher photographie les lesbiennes pour les rendre visibles et raconter leur histoire, dix ans après le vote de la loi Taubira. À l’occasion de la rencontre « Regards lesbiens, corps lesbiens » organisée le 4 mai à la Bpi, Balises présente son travail qui imbrique étroitement les portraits et les mots pour retracer des parcours de femmes.

Deux femmes s'embrassent sur la bouche
© Marie Docher, La Deferlante, GrandeCommandeBnF

« J’ai eu l’ambition folle de créer les représentations qui manquent, faire des portraits, parler d’amour, de solidarités, d’engagement, de ce que cette période du mariage pour toutes et tous a pu changer ou pas dans nos vies », explique Marie Docher. Dans son ouvrage Et l’amour aussi  (La Déferlante, 2023), l’artiste rassemble des photographies et des témoignages de lesbiennes qu’elle a rencontrées, dix ans après le vote de la loi Taubira du 17 mai 2013, pour rendre visibles leurs diversités. Sa démarche est avant tout politique, comme elle le revendique elle-même : « Porter un regard sur le monde, photographier, c’est politique ! » Avec son appareil photographique, elle livre ainsi, à la manière de la photographe sud-africaine Zanele Muholi , qu’elle estime beaucoup, des images d’une réalité autre que celle d’un monde hétéronormé.

Des paroles libérées

Suite à une commande photographique du ministère de la Culture, pilotée par la Bibliothèque nationale de France (BnF), Marie Docher parcourt la France et parle avec plus de 80 femmes. Parmi elles, certaines préfèrent se taire pour différentes raisons, d’autres se livrent. Les paroles que la photographe a recueillies dans Et l’amour aussi sont plurielles. Elles disent les blessures face aux violences lesbophobes, la rage face aux inégalités et injustices, le bonheur d’avoir trouvé un équilibre de vie et fondé une famille, la joie de s’affirmer à travers son coming out ou encore les remords de rester « dans le placard », de peur que son homosexualité ne soit perceptible. Les témoignages révèlent les difficultés pour certaines à se sentir libres comme Elina, scénariste, qui se surprend parfois à lâcher la main de sa compagne dans la rue, ou Lama qui s’est fait agresser dans le métro pour avoir embrassé sa copine. Les trajectoires décrites rendent compte des difficultés rencontrées au quotidien, face aux préjugés et aux regards intolérants à l’égard de celles qui ont choisi de s’aimer, de se marier ou d’avoir un bébé grâce à la procréation médicale assistée (PMA). Elles révèlent aussi les obstacles rencontrés face aux institutions et aux lacunes juridiques, qui laissent de côté la seconde maman, la mère sociale, celle qui n’a aucun droit sur son enfant. 

Des visages épanouis

Marie Docher saisit des moments authentiques chez celles qu’elle photographie. Juliette, Aurélie et Alexandre, tenant à six mains la petite Anna démontrent par cette osmose corporelle que leur enfant, conçu grâce à la PMA, est entourée de protection et d’amour. Le corps nu d’Amandine trône, avec ses rondeurs, sur un rocher dans les carrières de pouzzolane du col de la Moreno (Puy-de-Dôme), tandis que celui de l’artiste No Anger semble, avec ses jambes pointées vers le ciel, crier sa liberté. Quant à Suzette, elle tient fermement devant elle une plaque en hommage à sa militante féministe et lesbienne préférée, l’écrivaine Monique Wittig.

Les clichés affirment aussi l’envie de dire avec les corps ce qui a été censuré par une société conservatrice, hétérosexuelle et patriarcale. Sophie et Sarah s’embrassent devant l’objectif. Ju, trans, et Maic arborent un large sourire à leur mariage qu’elles ont conçu comme une fête de l’amour et de la solidarité, en présence des Sœurs de la perpétuelle indulgence, association qui lutte contre l’homophobie. Ces images donnent à voir des femmes épanouies, tout simplement.

En donnant la parole aux lesbiennes, en disant leur nom et en révélant leur visage et leur quotidien, Marie Docher parvient incontestablement à « réparer [leur] invisibilité » et mettre à mal les idées reçues.

Publié le 30/04/2024 - CC BY-SA 4.0

Pour aller plus loin

Et l'amour aussi

Marie Docher
La Déferlante, 2023

Dix ans après le vote de la loi Taubira du 17 mai 2013, la photographe est allée à la rencontre de lesbiennes de toutes générations et de tous profils sociologiques. Leurs portraits sont accompagnés de récits intimes qui sont autant de fragments d’un discours amoureux hors des canons hétéronormés. © Électre 2023

À la Bpi, niveau 2, 300.6 DOC

Le Génie lesbien

Alice Coffin
Librairie générale française, 2022

Publié à l’automne 2020, Le Génie lesbien est devenu le livre de référence d’une nouvelle génération de féministes. Des citations de l’ouvrage ont fleuri sur les murs des villes et les pancartes de manifestations. Des milliers de lectrices se sont reconnues dans le parcours de son autrice, journaliste et activiste lesbienne. De vifs débats ont émergé, de la violence aussi : Alice Coffin a fait l’objet d’une campagne médiatique parfois mensongère, de menaces, de harcèlement. Lire Le Génie lesbien, c’est comprendre les enjeux de la révolution féministe depuis #MeToo mais aussi ce qu’être lesbienne aujourd’hui veut dire, à travers le parcours familial, amoureux, professionnel et militant de l’autrice, désormais figure incontournable du mouvement féministe en France.

À la Bpi, niveau 3, 300.6 COF

Zanele Muholi, catalogue d'exposition

Sarah Allen et Yasufumi Nakamori (dir.)
Couleurs contemporaines, B. Chauveau éditeur, 2021

Rétrospective de l’œuvre de la photographe sud-africaine, qui explore les thèmes du travail, du racisme, de l’eurocentrisme et de la politique sexuelle, particulièrement en ce qui concerne les personnes noires appartenant à des minorités sexuelles. Ces clichés sont accompagnés de textes d’auteurs, d’un entretien avec l’artiste, d’une chronologie de ses travaux et d’un glossaire militant. © Électre 2021

À la Bpi, niveau 3, 770 MUHO

Le Corps lesbien

Monique Wittig
Éditions de Minuit, 1973

Le lesbianisme est traité selon une dimension poétique : le corps féminin est énuméré selon ses différentes parties, et se présente comme un manifeste de la révolte féminine, écrit par une femme, pour les femmes.

À la Bpi, niveau 3, 840″19″ WITT 4 CO

La Déferlante. La revue des révolutions féministes

Revue papier trimestrielle et en ligne post #MeToo, disponible en librairie ou sur abonnement, dont le premier numéro est paru en mars 2021, La Déferlante est indépendante, engagée et militante, sans publicité. Consacrée aux féminismes et au genre, elle expose les luttes et les débats qui secouent notre société. À ce jour, 13 numéros papier de 144 pages sont parus, tirés à 5 000 exemplaires.

Créée et dirigée par des femmes, La Déferlante donne la parole aux femmes et aux minorités de genre et rend visibles leurs vécus et leurs combats.

À la Bpi, niveau 1, SG(0) DEF

Zanele Muholi - La MEP

Exposition Zanele Muholi à la Maison Européenne de la Photographie en 2023.

Très impliqué·e dans la vie de la communauté LGBTQI+ sud-africaine, Zanele Muholi mène un travail photographique indissociable de son militantisme. Dans ses portraits individuels et collectifs, l’artiste cherche à rendre visibles des personnes queer et racisées, tout en questionnant les stéréotypes et les représentations dominantes qui y sont associées.

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